Cette proposition embarrassera les recteurs des campagnes et le subdélégué de Fougères qui attend leur réponse s'inquiète : "J'ai écrit, dit-il, aux recteurs des paroisses pour leur demander s'ils veulent des pommes de terre et de quelle quantité ils ont besoin. J'attends leur réponse pour les leur faire passer. Je vous demande de quelle manière on doit préparer la pomme de terre pour la semer et quel est l'usage qu'on peut en faire et comment on doit les apprêter pour en tirer tout l'avantage qu'elles peuvent procurer. On ne connaît point ici cette espèce de fruit !
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Parmentier offrant des fleurs de pomme de terre qu’il vient de cueillir
à Louis XVI et à Marie-Antoinette (illustration du Petit Journal – mars 1901) |
En cette année 1772, on est encore trop attaché au blé noir et à la galette traditionnelle dans nos campagnes pour se soucier de ce produit qui nous arrive des Amériques. D'ailleurs la prochaine récolte préoccupe davantage les paysans car de celle-ci dépend leur survie.
Les recteurs répondent enfin à la demande du subdélégué. Quatre recteurs sur les 36 paroisses de la subdélégation de Fougères acceptent de semer des pommes de terre dont on se méfie. Ne dit-on pas que cette nouvelle plante peut être dangereuse ? Nous aurions aimé connaître le nom de ces quatre paroisses pionnières, hélas la lettre de M. de Villecourte à l'intendant ne les cite pas. Toutefois, nous savons que les premières pommes de terre furent plantées au Pays de Fougères au mois d'avril 1772.
"Je
viens de recevoir, écrit-il, plus
de vingt lettres des recteurs de mon canton qui tous m'écrivent pour
me dire qu'ils ne connaissent pas l'usage des pommes de terre et
qu'ils ne croient pas pouvoir les faire agréer par leurs
paroissiens...". Alors
le subdélégué essaye de convaincre et donne lui-même l'exemple :
"J'ai
cependant réussi à persuader quatre de ces messieurs qu'on pouvait
en tirer grand avantage. Ils veulent bien se charger d'en faire
eux-mêmes l'essai et en semer dans un terrain qu'ils vont faire
préparer. Trois ou quatre boisseaux de ces pommes de terre suffiront
à présent jusqu'à ce qu'on ait fait une heureuse expérience... je
vais en faire semer dans mes métairies et je tâcherai par mon
exemple de détruire le préjugé de ces gens de campagne qui croient
que rien n'est plus dangereux que ce fait qui gagne chaque année du
terrain de manière à ne pouvoir en arrêter le progrès...".
Après
une implantation bien difficile, et en plus de deux siècles, la
pomme de terre a pourtant totalement révolutionné nos habitudes
alimentaires et personne ne met plus en doute les qualités de nos
traditionnelles "patates"
Marcel HODEBERT
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