19.9.23

Il y a 100 ans… Le Couronnement de Notre-Dame des Marais 8 septembre 1923

 

Nouvellement nommé curé de Saint-Sulpice en 1922, l’abbé Joseph Mathurin, eut l’intention de créer chaque année un Pardon particulier en l’honneur de l’ancestrale madone, patronne de la cité, auquel toute la population serait conviée. Mais auparavant, il sollicita près de son archevêque, le cardinal Alexis Charost, une autre faveur, bien plus prestigieuse à ses yeux, celle qui reconnaîtrait officiellement le culte millénaire rendu à la Vierge vénérée fougeraise, celle du couronnement solennel. Séduit, le prélat s’adressa à Rome afin d’obtenir l’approbation pontificale qui fut signée le 16 janvier 1923 par le Pape Pie XI.

Le chanoine Mathurin,

curé de Saint-Sulpice


Le 8 septembre 1923, jour de la fête de la Nativité de la Vierge, fut choisi pour le couronnement solennel au nom du pape, de Notre-Dame des Marais. Tout restait à organiser et le brave curé sut mobiliser tout autour de lui et s’entourer de nombreux collaborateurs de tous ordres. Partout, on s’affaire et on se prépare. Des arcs-de-triomphe sont élevés. Les Fougerais offrent leurs bagues et leurs bijoux pour la confection des couronnes de la Vierge et de l’Enfant-Jésus. Des trains spéciaux sont organisés au départ de Saint-Malo, Saint-Hilaire, Vire, Vitré…La presse locale annonce déjà une fête « d’une rare solennité » pour le couronnement de la Vierge des Marais, qui aura pour cadre l’enceinte du château féodal, en présence de plusieurs évêques et prélats et aussi de prédicateurs prestigieux. L’après-midi, après des vêpres solennelles à Saint-Sulpice, une grande procession va parcourir les rues pavoisées de la ville jusqu’à Bonabry et revenir au château pour le Te Deum. Après le couronnement, pendant plusieurs jours, la presse locale et régionale, ébahie et unanime, n’a de cesse de décrire, parfois avec beaucoup de détails, une « journée qui demeurera l’une des plus belles de l’histoire de la ville » ; « une manifestation émouvante autant par le nombre de fidèles qui y prirent part que par l’hommage rendu par la ville de Fougères toute entière à Notre-Dame des Marais »

Le Réveil Fougerais raconte que dès 9 h du matin, la foule descend la Pinterie en rangs serrés, que les usines et les commerces ont fermé leurs portes pour laisser ouvriers et employés libres d’assister au Couronnement. Le château est vite envahi par des milliers de fidèles qui occupent les remparts et chemins de ronde ou se tassent là où ils peuvent afin d’être au plus près « de la Bonne Vierge si aimée des Fougerais ».  

Le départ de Saint-Sulpice vers la Porte Notre-Dame et la Fourchette

              

L’arrivée de la Vierge des Marais au château, au niveau de la tour de Coëtlogon.


A 10 h, le cortège venant de Saint-Sulpice fait son entrée au château. Derrière la statue, s’avancent les nombreuses et diverses personnalités politiques et civiles de la ville et des environs. A ce sujet, Le Journal de Fougères précise : « A noter un détail édifiant qui ne manqua pas de frapper S.E. le cardinal : non seulement les membres du Parlement avaient revêtu leurs insignes officiels, mais encore les maires et les adjoints des communes environnantes portaient leurs écharpes, ainsi, du reste, que le maire de Fougères. En sorte que tout le pays, comme il convenait, était officiellement représenté ». En la circonstance, la Madone fougeraise avait non seulement rassemblé son peuple, mais avait aussi réuni sous son manteau le monde politique et religieux de l’époque, ce qui n’est assurément pas banal car les lois de séparation des Eglises et de l’Etat n’ont pas encore vingt ans et elles ont profondément marqué le pays.




Plus de 20000 personnes, emportées par le faste religieux de l’époque, sont là pour assister à la messe pontificale célébrée par Mgr de Durfort, évêque de Poitiers.


Après la lecture d’un long panégyrique de Notre-Dame des Marais préparé par Mgr Duparc, évêque de Quimper, le cardinal Charost, assisté du chanoine Mathurin, bénit les deux couronnes et, au nom du Pape, procède au couronnement de l’Enfant-Jésus et de sa Mère. La foule enthousiaste est debout. Des fusées détonantes, lancées du sommet des tours, annoncent la fin de la cérémonie. Tandis que les cloches des trois paroisses se mettent en branle, l’Harmonie Fougeraise fait vibrer le château de la Marche de Mendelssohn, donnant ainsi le signal du retour à Saint-Sulpice.

Le cardinal Charost couronne l’Enfant-Jésus et la Vierge des Marais

Après les vêpres, la grande procession se met en route et traverse toute la ville. Ouest-Eclair écrit : « La magnifique procession, véritable triomphe de Notre-Dame des Marais, fut saluée sur son passage par une foule recueillie de plus de 40 000 personnes ». Les journaux sont unanimes pour vanter la décoration des rues traversées formée de fleurs, de guirlandes, de voûtes de verdure… « Toutes les sociétés de toutes catégories, religieuses, militaires, civiles, hospitalières, sont là », écrit-on. Derrière les musiques paroissiales, suivent près de 200 prêtres en surplis, tout un cortège de chanoines, prélats et évêques qui précède le cardinal Charost. Puis viennent les petits pages de Notre-Dame avec leur fanion bleu, et la Vierge couronnée portée à tour de rôle par les conseillers paroissiaux et les notables de la ville. Derrière la statue, marchent les autorités fougeraises, les parlementaires et les maires avec leur écharpe, un grand nombre d’hommes et de jeunes gens… Et cette foule, immense, estimée à 50 000 personnes par Le Journal de Fougères, qui a envahi les trottoirs et s’agenouille au passage de la Vierge des Marais, chante aussi fort qu’elle le peut le nouveau cantique à Notre-Dame devenu si populaire, composé par l’abbé Forget, ancien curé de Saint-Sulpice : « De toute son âme lorsque tu parais, Fougères t’acclame, Vierge des Marais », aux couplets desquels répondent de sincères « Ave Maria ! ».

La grande procession dans les rues de la ville

Après son long parcours dans les rues de la ville, la procession rentre à nouveau au château où un Te Deum doit être chanté. « Même foule, même affluence, on s’écrase dans la cour du château… », écrivent le Nouvelliste et le Réveil Fougerais. C’est là que va se clôturer cette magnifique journée du Couronnement après que le cardinal Charost eut, « avec son éloquence plus que jamais captivante » remercié les autorités et les Fougerais d’avoir si massivement participé à cette « si belle fête de Notre Dame ». Il est plus de 17 h lorsque la cérémonie prend fin, Notre-Dame des Marais est alors reconduite processionnellement en l’église Saint-Sulpice, tandis que beaucoup de pèlerins rejoignaient la gare pour rentrer chez eux. Le soir, toute la ville est illuminée. Les églises Saint-Léonard et Saint-Sulpice sont enrichies d’un splendide éclairage. A Saint-Léonard, un jet de lumière rayonne à plusieurs lieues à la ronde, celle de Saint-Sulpice est entourée de guirlandes d’ampoules. Un journal rennais écrit : « La nuit descend sur Fougères et, partout aux fenêtres des maisons et aux façades des monuments publics, des feux brillent encore en l’honneur de Celle que toute la population venait de fêter »

Le dimanche 9 septembre, c’est Mgr Serrand, évêque de Saint-Brieuc et enfant de la paroisse voisine de Billé, qui officie pontificalement à Saint-Sulpice. A l’issue de la cérémonie, le chanoine Mathurin, rayonnant malgré sa fatigue, monte en chaire pour adresser ses remerciements et annonce son intention de rétablir l’ancienne confrérie de Notre-Dame de la Mi-Août et de développer la dévotion à Notre-Dame des Marais. Il tiendra parole car l’année suivante, en 1924, il créera le « Pardon de Notre-Dame des Marais » qui, depuis, reste un temps fort dans la vie de la communauté paroissiale de Fougères et fêtera lui aussi son centenaire l’an prochain.

Voici comment se déroulèrent les fêtes du couronnement de Notre-Dame des Marais restée si chère au cœur des Fougerais. Ce fut assurément un événement d’une ampleur exceptionnelle que la vieille cité bretonne ne revivra sans doute jamais plus. Plus discrètement sans doute aujourd’hui, le peuple de Fougères, dans un attachement presque viscéral, continue de visiter l’antique statue pour lui confier ses joies et aussi ses peines et qui, à juste titre, s’est ému avec tristesse et incompréhension d’un récent acte de vandalisme qui, en février 2021, a entraîné la destruction de la Vierge vénérée. Fort heureusement, grâce à l’Atelier régional de restauration de Bignan (56), après un fabuleux travail, la statue de Notre-Dame des Marais a pu être reconstituée. Elle retrouvera sa place dans son sanctuaire qu’elle n’aurait jamais dû quitter, effaçant ainsi un outrage totalement insensé que des siècles d’histoire souvent mouvementée n’avaient jamais oser commettre.


Image de Notre-Dame des Marais distribuée à l’occasion de son couronnement


Marcel HODEBERT
















                








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