22.10.23

Les « Filles sages » de Fougères

 

Si la proclamation de l'Empire le 18 mai 1804 ne semble pas avoir été l'occasion d'une explosion de joie à Fougères, il fallut bien se soumettre au nouveau maître et lorsqu'un décret impérial de 1807 ordonna aux municipalités de fêter dignement l'anniversaire du couronnement de Napoléon, la décision du César mit la municipalité fougeraise en ébullition.

De par la volonté impériale de voir les communes du pays ayant plus de 10.000 Francs de revenus, « doter sur les fonds communaux une fille sage qui sera mariée à un homme qui aura fait la guerre et dont le choix sera fait par le conseil municipal de chaque commune et par le préfet dans la commune chef-lieu de département, le premier dimanche du mois de décembre, fête de l'anniversaire du couronnement de Sa Majesté l'Empereur », Fougères se devait de s'incliner. Mais comment faire ? Pensez donc, ce n'était pas les filles sages qui manquaient à Fougères et faire un choix équitable n'était assurément pas facile ! Le choix de la belle était une chose, encore fallait-il la doter, de combien et sur quels fonds ? On eut d'abord un espoir. Monsieur Bochin, adjoint au maire, pensa que « dans ce moment, il ne se présenterait pas de fille pour se marier à un militaire ». Mais le brave homme se trompait car des filles désirant épouser un beau militaire, cela existait bel et bien à Fougères. Il y en avait au moins une ! Marie Jeanne Boulot se présenta au maire avec à son bras, un ancien sergent d'infanterie légère « pensionnaire du Gouvernement », le sieur Jean Julien Aubert. Comme on désirait surtout « donner des preuves du plus inviolable attachement à Sa Majesté et de la plus grande soumission à ses intentions », on réussit à prélever une somme de 400 F sur les octrois pour doter la jeune mariée, au prix d'efforts financiers incroyables. Fort heureusement pour la municipalité, les autres « filles sages » qui, pourtant, ne manquaient sans doute pas dans la cité, ne se présentèrent pas à la mairie. Mais en attendant, il fallait bien répondre à la demoiselle Boulot pour laquelle on fit une enquête de moralité comme en témoigne la délibération municipale conservée dans laquelle on peut lire : « Après avoir pris les renseignements convenables relatifs à la fille... il s'avère qu'elle s'est toujours comportée avec honneur, sagesse et probité ». La dot lui est comptée le jour de son mariage qui est célébré par M. Bochin le dimanche 6 décembre 1807, à 10 h 30 du matin.



Acte de mariage de Jean Aubert et de Marie Boulot


Lorsque Napoléon épousa Marie-Louise de Hasbourg-Lorraine le 1er avril 1810, il prit à nouveau un décret qui, à l'occasion de son mariage et selon lui, devait associer à son bonheur... et pour la vie, « des militaires en retraite et des filles distinguées par leur bonne conduite », ce qui conduisit à une réunion très animée du conseil municipal. Deux militaires se présentent le 13 avril : Jean Devault qui se propose d'épouser Marie Nadal et Jean Pays qui veut s'unir à Marianne Grolleau. Les « candidatures » sont agréées et le choix des « bénéficiaires de la générosité impériale » (payée par la ville) est définitivement arrêté. Les tourtereaux convoleront en justes noces, louant sans doute l'initiative prise par l'Empereur d'épouser une Autrichienne.



Huile sur bois de Maurice Orange (1912)


A la naissance du Roi de Rome, le 20 mars 1811, la ville de Fougères est appelée à organiser une fête particulière dont le programme doit être proposé d'avance. Outre des feux de joie, une distribution de vivres aux pauvres des deux paroisses de la ville, des arcs de triomphe, des illuminations et des bals publics, une somme de 600 francs sera affectée à la dot « d'une fille pauvre qui sera mariée à un militaire ». Deux mariages sont financés, mais un seul militaire, Etienne Vallet, se présente et déclare « vouloir épouser une fille sage », en l'occurrence Félicité Echerbaut. Bien que le Conseil « regrette infiniment qu'il ne se soit pas présenté un autre militaire pour épouser une rosière », on fera, ce jour-là, l'économie d'une dot !

                                                                                     Marcel HODEBERT





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire