23.3.24

DES DROITS ET DES TAXES OU LA PANCARTE DE DEVOIRS DE 1783

 

En 1783, sortait des presses de l’imprimerie de Nicolas Vatar, imprimeur de « Nos seigneurs des Etats de Bretagne », à Rennes, une Pancarte des Devoirs « que les manants et habitants de la ville et faubourgs de Fougères et bourgeoisie de Saint-Sauveur-des-Landes ont accoustumé de payez pour les marchandises ». Il s’agissait en fait de collationner et de mettre à jour des anciens règlements remontant parfois au XVIème siècle, afin de fixer les tarifs des droits et des taxes sur les marchandises vendues ou achetées à Fougères en réaffirmant au passage les droits du baron de Fougères sur le commerce, dus notamment par les marchands bourgeois de la ville mais aussi par ceux de Saint-Sauveur-des-Landes, en référence aux temps lointains où les barons de Fougères avaient fait de cette paroisse une terre de prédilection.






Dans ce document conservé aux Archives municipales de Fougères (CC 3-24) nous apprenons ainsi qu’il est de coutume que les habitants de la ville doivent depuis toujours 12 deniers et les bourgeois 18 au baron de Fougères, dont la moitié est payée le lundi qui suit la foire de la Chandeleur et l’autre moitié après la foire de la Pentecôte. Le bourgeois, s’il veut tenir commerce, doit avoir pignon sur rue ou utiliser les étals des halles ; il ne peut être marchand ambulant. Ne peut donc être bourgeois qui veut. Le règlement est précis : « aucun ne peut user de devoir de bourgeoisie qu’il n’est fils de bourgeois ou qu’il n’y ait  dix ans entiers et parfaits qu’il soit ordinairement demeurant en la dite bourgeoisie, ayant terres ou maisons en icelle, et fait le bon gré du prévost dit coutumier dudit seigneur de Fougères en manière accoutumée ». Une fois admis et reconnus, les bourgeois s’engagent à ne pas laisser circuler leurs marchandises hors de la ville sans en payer les taxes afférentes.

 

Pour les taxes, nous sommes assez loin de notre TVA actuelle, le calcul est très compliqué puisqu’il varie selon la nature des marchandises vendues. Le règlement a l’avantage d’être assez instructif tant sur le plan de la fiscalité que sur celui des marchandises que l’on pouvait alors trouver sur les marchés de Fougères. Les grains sont taxés de 3 deniers par boisseau « tant du vendeur que de l’achepteur ». A part les céréales dont les contenances sont facilement mesurables, il semble que la taxation s’applique à la charge, ainsi un grand panier est autant taxé qu’un petit, ce qui est vrai aussi pour le pain, le sel et le poisson. Le vin est taxé de 20 deniers par pipe valant 2 barriques, soit 467 litres et le cidre, 10 deniers. Le beurre, la graisse, le suif et l’oing (graisse d’animaux) sont taxés de 2 deniers « par chacun poids » (un poids de beurre valait environ 8 kg 900). La laine, le fil, la filasse sont taxés selon leur qualité.

Les animaux sont taxés de 10 deniers pour les chevaux et les bovins, « les bestes aumailles », de 5 deniers pour les brebis, de 12 deniers pour les porcs, les chèvres et les daims. Les taxes sur les poissons nous renseignent sur les variétés que l’on pouvait trouver à Fougères. On parle de « poisson fraits de mer » et l’on énumère le tarif des taxes différentes sur le hareng, saur ou salé, la raie seiche, la morue fraîche ou salée, le saumon frais ou salé mais aussi la baleine taxée à un sol. Le hareng et la morue sont souvent conditionnés en barils car on en consomme beaucoup pendant le carême. C’est le prévôt qui fixe la taxe « pour la place des tonneaux et cuves, une pièce honnête pour chaque espèce de poisson ». Par ailleurs, nous trouvons encore l’épicerie, le fromage, les oranges et les citrons, les volailles, les pois et les fèves. Le sucre et les amandes sont taxés à 12 deniers, le poivre et le gingembre à 3 sols. L’huile est conditionnée soit en baril ou en peau de bouc ou de chèvre. Denrée rare, tout comme les figues, le raisin et les pruneaux, l’huile et ces marchandises sont aussi taxées lourdement.

 

Mais on vend aussi du fer, de l’acier, de l’étain, du plomb, de l’airain et autres métaux. Les cercles qui sont utilisés pour les barriques de cidre sont taxés de 3 deniers la douzaine. Parmi les marchandises dites cordées, se trouvent les draps, les toiles, la mercerie et aussi « la trincaillerie et autres marchandises quelconque » Des taxes sont perçues aussi sur les drogues comme la noix de Galles, l’alun et la couperose et sur la vaisselle faite de poteries de terre et de vaisselle de bois. Les vanneries et paniers de toutes sortes, les arbres greffés, pommiers, poiriers, cerisiers n’échappent pas non plus à la taxe, tout comme le commerce des peaux parmi lesquelles on trouve du loup, du renard, du putois, de la marte, de la fouine, du chat sauvage et du loir. Il n’y a guère que les pintiers, estamiers et quincailliers qui échappent à la taxe, encore doivent-ils au prévôt deux objets de leur fabrication par an en guise de redevance.


Marcel HODEBERT




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire