8.7.23

Lorsque NOTRE-DAME des Marais redonne « la liberté de la langue »

 

Le culte voué à Notre-Dame des Marais est ancestral. Patronne de la cité, la « Vierge des Marais » continue de distribuer ses grâces à ceux qui, en sa vieille église Saint-Sulpice, ne manquent pas d’aller fleurir ou illuminer son autel en lui adressant leurs prières.

Ceux qui ont connu l’ancienne chapelle en tuffeau qui, accolée à l’église, lui était dédiée jusqu’à ce qu’elle fut détruite dans les années 1960 et qui avait remplacé un oratoire beaucoup plus ancien ouvert sur l’extérieur (1), se rappellent sans doute des innombrables ex-voto ou encore des vieilles béquilles de bois qui en ornaient les murs, autant de témoignages de reconnaissance des Fougerais après des guérisons tant de l’âme que du corps.

Les passionnés d’histoire locale retrouveront dans les ouvrages du vicomte Le Bouteiller sur l’histoire de la ville, le rapport qu’il fait d’une pièce d’archive constatant un singulier miracle, « le Miracle du Cierge » en 1496, ainsi que du témoignage, au XVIIème siècle, rapporté par le recteur Pannier sur la dévotion des Fougerais et des habitants des paroisses voisines envers la statue vénérée (2).

« Beaucoup de personnes, écrit-il, en passant devant l’image de la Vierge, se prosternaient pour faire leurs prières et ceux qui avaient les fièvres ou quelques autres indispositions venaient l’invoquer… Bientôt, l’on n’entendait parler que de prodiges, de grâces que l’on recevait et cette dévotion fut rendue si publique que les fidèles s’y rendirent de toutes parts avec tant d’affluence que l’église paraissait trop petite… ». Il fut alors décidé de construire un oratoire à Notre-Dame des Marais qui jusqu’alors occupait une niche au-dessus d’une porte de l’église.


La chapelle de Notre-Dame-des-Marais en tuffeau détruite dans les années 1960


Cette renommée dépassait largement nos frontières fougeraises, car, en 1721, le registre paroissial de Saint-Sulpice rapporte que le 9 juin, un nommé Michel Boisseau,né en la paroisse de Noëllet, en Anjou, le 6 juin 1663, arriva à Fougères pour rendre grâce de sa guérison à « Notre-Dame des Maretz » à laquelle il s’était voué aux environs de la Toussaint précédente et pour « avoir recouvré la parolle et la liberté de la langue dont il était privé depuis 23 ans ».Lorsqu’il revint à Saint-Sulpice, Michel Boisseau était muni d’un certificat produit par le curé de sa paroisse angevine qui attestait que « le dit Boisseau n’est pas un vagabond et qu’il ne sort de sa paroisse que pour s’acquitter du vœu par lui fait à Notre-Dame des Maretz en date du 3ème juin 1721 » et que ce paroissien avait effectivement retrouvé la parole au moment des fêtes de Noël. En guise de témoignage et pour donner une preuve supplémentaire à ce qu’il annonce, le recteur fait signer son attestation par plusieurs notables de sa paroisse, dont le chevalier, seigneur de la Jaille, un écuyer, seigneur du Bois-Benier, et plusieurs autres. Le tout est légalisé par un avocat du Parlement de Paris et le gouverneur de la ville, du château et de la baronnie de Pouancé en Anjou.
C’est donc cette attestation tout à fait officielle que Michel Boisseau fait enregistrer au recteur de Saint-Sulpice après avoir refait un long voyage à Fougères pour s’acquitter de son vœu qui consistait à y revenir afin d’effectuer une neuvaine pour remercier la Madone, de lui avoir redonné « la liberté de la langue ». Ce registre de la paroisse en témoigne encore, il est aujourd’hui conservé, comme tous les registres paroissiaux de Fougères, aux Archives municipales. Nous lisons : « Le neuvième jour de juin mil sept vingt-deux, le nommé Michel Boisseau, natif de la paroisse de Noellet, évêché d’Anjou, arriva à Saint Sulpice de Fougères pour y rendre grâce à Dieu pour avoir recouvré la parole et la liberté de la langue dont il avait été privé depuis vingt trois ans jusqu’aux fêtes de Noël dernier, temps auquel il a déclaré qu’il avait été guéri par l’intercession de la Sainte Vierge honorée en notre église sous le titre de Notre Dame des Marais à laquelle il s’était voué aux environs de la Toussaint dernière.

Ancien oratoire de Notre-Dame-des-Marais

(d’après un dessin publié dans l’ouvrage du Vicomte Le Bouteiller)


« Pour preuve de ce qu’il annonce, il nous a produit une attestation signée Tybault, curé de Noellet ; Davoines, chevalier, seigneur de la Jaille ; de Jean Cinqueveau, écuyer, sieur du Bois-Benier et J. Jallot, Fr Bisant, de Noellet, disant que le dit Boisseau n’est pas un vagabond et qu’il ne sort de sa paroisse que pour s’acquitter du vœu cy-dessus par lui fait à Notre Dame des Marets en date du troisième juin mil sept cent vingt et un. Légalisé par Pierre Poisson, avocat au Parlement de Paris, juge ordinaire et criminel et de police, gouverneur de la ville, château et baronnie de Pouancé en Anjou. J’ay posé par prévôt commis de greffe, et déclaré ne savoir signer le dit Boisseau est parti après avoir fait et fini le nécessaire, ce 12 juin 1722 ».

1-Cette chapelle fut construite de 1869 à 1872 sous le rectorat de l’abbé Mathurin Gouyon, recteur de Saint-Sulpice de 1849 à 1872 et chanoine honoraire de la Métropole de Rennes. En 1872, il se retira rue du Nançon à Fougères où il mourut le 14 octobre de la même année. Il avait été remplacé par l’abbé Isidore Douard, autre figure du clergé de Saint-Sulpice. L’ancien oratoire que cette chapelle avait remplacé, avait été construit vers 1700 par l’abbé René Pannier, recteur de Saint-Sulpice de 1677 à 1715. Mort le 18 février 1715, il fut inhumé devant l’autel de la Vierge.

2-Vicomte Le Bouteiller : « Notes sur l’histoire de la ville et du Pays de Fougères » - Tome IV

Marcel HODEBERT




















Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire